C’est la vie. Un jour, soudainement… Pouf !

C’est l’histoire d’une petite phrase restée coincée dans un coin de ma tête. Dans un article de la revue GEO sur les chauves-souris, interrogée sur leur exceptionnelle longévité, la spécialiste interrogée tentait de tempérer le désir de jeunesse éternelle du journaliste : « Tout finit par mourir ». Sans que je sache pourquoi, cette phrase est revenue me hanter plusieurs jours durant. Les anglo-saxons disent que, la mort et les taxes mises à part, rien n’est sûr. Toute vie doit un jour s’éteindre. Et pourtant, pour chaque règle établie, la biologie connaît maintes et maintes exceptions. Et celle-ci ne fait pas… exception.

Il existe une méduse, nommée Turritopsis nutricula qui, comme ça, ne paie pas de mine. D’environ 5 millimètres, elle est originaire des Caraïbes et, lentement mais sûrement, elle se répand à travers le monde, probablement à cause du réchauffement climatique. Mais si cette méduse entre toutes est absolument remarquable, c’est à cause de son cycle de vie. Habituellement, les méduses meurent une fois la reproduction accomplie. Or, dans le cas de Turritopsis nutricula, au lieu de mourir, elle est capable de régresser au stade d’un polype sexuellement immature, pour tout recommencer à nouveau. Pour le dire autrement, à part en cas de rencontre impromptue avec un prédateur ou la fin du monde, et pour autant que les conditions le permettent, cette méduse n’a apparemment pas notion de la mort.

Et il se trouve qu’elle n’est pas la seule. Vous connaissez le blob ? Il s’agit d’un myxomycète (cliquez, même si vous ne parlez pas anglais, les photos sont splendides), des amibes monocellulaires et très colorées capables de nombreuses prouesses, dont la moindre n’est pas d’atteindre la taille de 10 m². Oui oui, vous avez bien lu, une unique cellule plus grande que votre lit. Les myxomycètes sont capables de se déplacer, d’apprendre et d’anticiper, et certains ont visiblement développé un amour immodéré pour les flocons d’avoine. Ce sont des organismes finalement mal connus mais qui, en dehors de tout stress environnemental, sont capables de se maintenir en vie indéfiniment.

Et puis il y a bien sûr les cellules HeLa, une merveilleuse histoire comme seul le capitalisme est capable d’en fournir. Henrietta Lacks est une afro-américaine décédée d’un cancer du col de l’utérus dans les années 1950. Sans aucun consentement d’elle ou de sa famille, son médecin de l’époque a prélevé un certain nombre de cellules cancéreuses. Immortelles, elles ont été cultivées in vitro et sont encore aujourd’hui utilisées dans tous les labos du monde. Elles ont permis de développer un vaccin contre la poliomyélite, elles ont été hybridées avec de l’ADN non-humain, envoyées dans l’espace… On ne compte plus les expériences auxquelles elles ont servi, et le nombre de cellules développées dépasse largement celui qui existe dans un humain standard.

« Tout finit par mourir ». En un sens, je suppose que c’est vrai, même si quelques espèces singulières aimeraient émettre une objection à une affirmation aussi péremptoire. Mais cela pose une drôle de question. Si la vie n’est pas nécessairement définie par la mort et sa propre finitude, par quoi est-elle définie ? La question est loin d’être simple, et nombreux sont les chercheurs qui se la posent. À chaque fois que quelqu’un semble trouver une définition valable, quelqu’un d’autre est capable de citer un organisme qui y échappe. Et si nous ne sommes pas vraiment sûrs de ce qu’est la vie, comment pourrions-nous en chercher sur d’autres planètes ? En vertu de quels critères ?

Tout ce qui est ordonné n’est pas nécessairement vivant, comme les cristaux ou les flocons de neige. Toute vie n’a pas d’ADN, comme les globules rouges, et pourtant ils ont un métabolisme. Certaines choses se reproduisent sans être pour autant classées dans la grande chaîne de la vie : les virus informatiques par exemple. Quant aux virus naturels, il y a encore débat sur ce point. Wikipedia dit que la vie est une caractéristique qui distingue les entités physiques qui ont des processus biologiques de celles qui n’en ont pas, soit parce qu’ils se sont arrêtés, soit parce qu’ils n’en ont jamais eue. Mais dans ce cas, les tardigrades, ces petits êtres capables de se dessécher en attendant des conditions plus favorables, n’en font pas partie non plus.

Il existe même des exemples surprenants de vies parties dans une autre direction évolutive, et qui pourtant ont développé des mécanismes similaires aux nôtres, comme les cténophores. Si on remonte l’évolution jusqu’aux premiers organismes pluricellulaires comme les éponges et qu’on compare nos systèmes nerveux, nous partageons avec l’ensemble du règne animal les mêmes briques fondamentales. Les poulpes, les grenouilles et nous avons les mêmes messagers chimiques, les mêmes neurotransmetteurs : acétylcholine, sérotonine, dopamine, etc. Or, les cténophores, s’ils ont également développé un système nerveux, utilisent des molécules différentes. Et il semble également que ce soit le cas pour leurs muscles et autres organes. Autrement dit, la vie se répète, et construit des solutions en fonction des besoins des organismes : se nourrir, se mouvoir, se reproduire. Ça me fait penser au livre de Jacques Monod, le Hasard et la Nécessité, où il expliquait que si nous, les êtres humains, voudrions tellement croire au fait nous sommes ordonnés de toute éternité, nous ne sommes en fait que le fruit du hasard et de l’évolution.

La vie est une véritablement une drôle de question, et qui se conclut inévitablement par le pourquoi original. Et finalement, ne pas avoir de réponse est peut-être plus intéressant que d’en avoir une. Cela permet de continuer à chercher, et de découvrir perpétuellement de nouvelles choses. Un grand monsieur a dit un jour : « N’oublie jamais. Celui qui croit savoir n’apprend plus. » Et je vais m’efforcer de suivre son conseil.

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